Biographies-Toute vie peut devenir un roman

Biographies-Toute vie peut devenir un roman

Les mémoires d'un soldat

Résistance

 

Mon père  a fait partie du maquis où il était instructeur et a servi sous les ordres du commandant Guillaudot qui commandait le groupement de gendarmerie de Vannes. Celui-ci est resté célèbre pour son courage pendant l'occupation. Il menait en effet sous le pseudonyme de "Yodi",  des actions clandestines au sein du réseau Action dans le maquis de Saint Marcel créé pour accueillir des parachutages d'armes.  Grace aux informations glanées par ses gendarmes au cours de leurs tournées, "Yodi" réussit à transmettre à Londres en 1943, la totalité du dispositif militaire

allemand dans le Morbihan. Arrêté, torturé, Maurice Guillaudot n'aura pas parlé et sera libéré en 1945, après un séjour en déportation au camp de Neuengamme. Une rue à Rennes porte désormais son nom.

Mon père n'a pas participé au maquis de Saint Marcel mais il était dans son environnement.              

Pendant les grandes vacances, en 1944, à l'âge de quatorze ans, mon père m'envoyait souvent en vélo dans une ferme chercher du pain. "Tiens, petit bonhomme", me disait-on en m'offrant une collation et je ne me posais pas de question sur le fait que l'on me fasse repartir avec un vélo différent de celui que j'avais utilisé pour l'aller. Mon père m'avoua après la guerre que, faute d'autres solutions, il avait fini par accepter que je serve d'agent de transmission: Le nouveau vélo renfermait des messages dans son cadre, ou dans le tube de la selle.

Je suis moins fier de ce que l'on m'a demandé ensuite: J'ai du garder cinq ou six femmes que le maquis avait récupérées parce qu'elles avaient eu des relations avec les Allemands. Je ne connaissais pas le sort qui leur était réservé. : Nous étions en 1945 et j'avais donc quinze ans. Elles ont été exposées sur des charrettes dans la ville de Vannes et tondues en public. C'était abominable!

Ces femmes avaient vingt ans et on ne sait pas quelle était la part de jalousie ou de règlement de compte dans ces jugements expéditifs.

En Algérie par la suite, il m'est arrivé de récupérer des femmes blanches réduites en esclavage. Elles étaient ensuite placées dans des institutions mais elles n'ont jamais retrouvé une vie normale. Que sont devenues ces jeunes femmes tondues et humiliées?

Pendant l'été mon père m'avait inscrit dans une ferme pour ramasser la lavande. Lui même vivait dans le maquis. Pourtant il lui arrivait de venir de temps en temps à la maison. Un matin, tandis que je me rendais à mon travail de cueillette, un résistant m'a abordé en me demandant de retourner bien vite chez moi le prévenir que les Allemands arrêtaient des membres de son réseau. Il s'est enfui par la porte du jardin pour aller les rejoindre mais trois d'entre eux ont été arrêtés à leur domicile au petit matin et massacrés au Guého, sur la route de Ploërmel..  Toute la population participa aux obsèques. Une croix perpétue le souvenir de ces martyrs à l'entrée nord de l'agglomération. Ils sont morts à vingt ans.

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Le "241" est le bizutage.

 

Les Anciens "Extrême Orient "de la promotion précédente, réunissent les "Bazards De Lattre" devant une grande fosse pendant la nuit. Ils leur demandent de se déshabiller et de jeter leurs vêtements dans la fosse. Vous essayez de jeter les vôtres dans un coin de la fosse pour les retrouver plus facilement mais c'est peine perdue: Une dizaine de "Bazards" a ordre d'y descendre et de tout mélanger. Une fois les anciens partis, il ne reste qu'à essayer de récupérer son bien parmi les tenues de six cent quatre vingts élèves. Il faut quinze jours pour se retrouver complètement habillé.

 

Mes amis Gibert et Jean seront mes compagnons pendant de nombreuses années.

Toute la promotion doit participer à une "chasse royale" et certains jouent le rôle de chiens qui doivent aboyer autour de la maison du général pour le réveiller. Je tiens Gilbert et Jean en laisse et un ancien me demande de les faire aboyer.

Pour éviter l'humiliation à mes camarades, je les déclare "chiens d'arrêt" car je  sais que les chiens d'arrêt n'aboient pas.

Une nuit, ils sont arrivés vers deux heures du matin et nous ont ordonné de dormir dans l'avenue Foch après avoir transporté nos lits et nos armoires.

Au matin, les anciens sont partis et nous devions avoir de tout redéménagé et rangé avant l'appel.

 

Un jour, après la messe à la chapelle du camp, le "marabout" (l'aumônier) qui avait perdu une jambe en 1944, nous a demandé de nous compter quatre par quatre. "Voilà, nous prévient-il, sachez que le quatrième sera mort dans trois ans". Cette anecdote illustre bien la dureté de notre encadrement.

 

Je me souviens que, pour s'entraîner à l'équitation, la section arrivait dans le manège et au signal il fallait sauter sur un cheval. Evidemment tous les chevaux n'étaient pas bons à monter aussi la bagarre commençait pour avoir celui qui nous obéirait le mieux. Qui donnait des coups d'épaules, qui jetait par terre celui qui avait réussi à grimper.........Moi, j'avais trouvé un cheval qui bottait. J'étais assuré que mon cheval ne doublerait pas les autres car il n'en supportait aucun derrière lui et qu'ainsi je n'aurais pas de remarques.

 

Notre formation s'est faite à coups de poings. Certains, trop fragiles psychologiquement, étaient si affectés que leurs études en étaient perturbées. Tout était fait pour écraser notre personnalité.

J'en ai moi-même beaucoup souffert psychologiquement car j'avais un réel besoin de me sentir un peu valorisé et physiquement car j'étais si épuisé qu'il m'arrivait de dormir pendant toute la durée de notre congé de fin de semaine.

Un week-end je suis allé rendre visite à mes parents et au retour, le dimanche soir, je dormais si bien dans le train que je me suis réveillé au Mans au lieu de descendre à Rennes. Mon retard à Coëtquidan s'est soldé par quinze jours de prison. Aucune révolte n'est possible devant une institution aussi forte.

Nos instructeurs n'étaient formés que par le terrain: Soit ils avaient fait un séjour en Indochine, soit la guerre 39/40 et dans mon bataillon, certains avaient même été décorés de la croix de guerre. Ils étaient donc très endurcis et n'avaient pas beaucoup de compassion à notre égard.

 

                          

En décembre 1951, nous apprenons que notre bataillon n'aura droit qu'à un an d'études au lieu de deux car la guerre en Indochine réclame des cadres sur le terrain.

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En Algérie

 

La ville de Guelma est dominée par un massif montagneux appelé la "Mahouna" qui signifie "Femme couchée". Lorsqu'elle se détache bien dans le ciel, on distingue parfaitement son visage, sa poitrine, son ventre et ses jambes qui n'en finissent pas. C'est très joli. Sur les pentes de la montagne, le sol est légèrement sableux. Lorsqu'ils rentrent de leurs marches, les tirailleurs se régalent des tortues qu'ils trouvent sur ses pentes.

Personnellement je préfère goûter les pâtes de Missu.

 

Dans cette ville, on trouve peu d'Européens. On me dit qu'elle a été l'objet d'exactions en 1947, c'est ce que l'on a appelé la répression de Sétif.

On peut y voir d'immenses exploitations céréalières. C'est une plaine très riche.

Il y a énormément de sites romains. Il faut savoir que les Romains ont occupé l'Algérie et la Tunisie et avaient révélé, par captation, des sources chaudes, à température égale toute l'année. Une expérience est à tenter. Elle consiste à acheter à des enfants des œufs que l'on peut cuire en quelques minutes dans cette eau chaude. On peut aussi plonger dans la fontaine un objet de bois ou de pierre qui se recouvre de calcaire en quelques jours et devient très original.

Je finis par trouver une chambre meublée louée par une veuve. Elle est arrivée en Algérie quand on a peuplé le pays. On a envoyé des familles pauvres s'installer là-bas sans leur demander leur avis. Cette femme est très agréable mais j'ai peu de contacts avec elle car la vie que j'ai  menée a fait de moi un être très réservé et je ne vais pas facilement au devant des autres. 

 

 

J'ai deux sous-officiers sous mes ordres, un adjudant chef et un sergent chef tous deux titulaires de la légion d'honneur et de la médaille militaire.

Le sergent chef P a remplacé V qui dirigeait un commando renommé au Tonkin quand, trahi par une femme, celui-ci a été assassiné. Il n'admet l'autorité que si elle lui vient d'un supérieur et je ne lui suis pas supérieur si bien qu'il ne m'obéit pas, pas plus que l'adjudant qui doit me trouver trop jeune et inexpérimenté. Cette situation me fait beaucoup souffrir et même pleurer mais lors d'une embuscade, en exercice, je réussis à piéger P qui  reconnait  ma valeur. L'adjudant chef , lui, cède à sa femme qui , devant moi, lui  demande de m'obéir. Mes ennuis prennent fin.

 

 

En février 1953, une circulaire demande des volontaires pour sauter en parachute sur Diên Biên Phu. Je suis un peu le porte-serviette du lieutenant colonel et je vais le voir avec trois demandes: celle de Jean, celle de Gilbert et la mienne.

- Je ne signerai pas ces demandes!

- Mon colonel, nous n'avons qu'une aspiration c'est celle de partir!

- Non, je en signerai pas car je sais que vous allez tous mourir. C'est moi qui ai construit ce site. Ile est au confluent de deux fleuves, dans une cuvette. Je ne vous laisserai pas partir.

C'est ainsi que je ne suis pas mort à Diên Biên Phu.

 

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Saïgon

 

On me confie la responsabilité du peloton d'élèves.....................

Je deviens instructeur avec le lieutenant G qui vient d'Extrême Orient.

On se déplace dans la plaine des joncs. La guerre est terminée mais c'est une zone non sécurisée et il faut toujours être sur ses gardes pour éviter de tomber dans une embuscade et faire l'objet de tirs de rebelles.

En fin d'après midi, le chef du secrétariat du colonel vient me trouver:

- Vous êtes convoqué demain matin à 8h dans le bureau du colonel

- Pourquoi?

- Demain matin à 8h en tenue n°1

Je cherche G:

- Sais tu ce qu'il m'arrive?

- Non.

- Je suis convoqué dans le bureau du colonel demain matin, en tenue n°1.

- Tu as du faire une connerie......

- Je cherche mais je ne vois pas quoi?

Le lendemain matin je vois arriver G dans le bureau de l'adjudant. Je suis surpris mais je me réjouis un peu de ne pas être tout seul à recevoir une semonce.

Le colonel nous fait entrer et, chose curieuse, nous serre la main.

Sur son bureau trône un gros classeur.

- Savez-vous pourquoi vous êtes là, D? Et vous G, qu'elle impression cela vous fait de venir procéder à votre mariage?

Je commence à vraiment m'inquiéter. J'espère que l'on ne va pas me marier avec G. Je n'ai jamais entendu parler d'une telle procédure!

G affiche un grand sourire.

Le colonel explique enfin la situation et lui dit:

- Nous allons procéder à votre mariage et votre épouse a déjà signé. Vous avez fréquenté la fille du chef de bataillon où vous étiez à Tizi Ouzou et je crois bien que vous avez mis la charrue avant les bœufs. Vous régularisez donc et je suis content pour vous.

Je suis soulagé d'apprendre l'existence d'une femme!

Le colonel lit les articles du code civil qui permettent de procéder au mariage par procuration. Je signe comme témoin.

Nous obtenons une permission de huit jours et le soir G m'offre, à Cholon, un repas dans un restaurant qui sort un peu de l'ordinaire. On lève le verre à la santé de son mariage. A côté de nous, un jeune couple de chinois nous demande quel mariage nous fêtons puisque nous sommes deux hommes.

La situation les étonne beaucoup et nous bavardons avec eux pendant tout le repas. A la fin, le chinois nous propose de nous prêter sa voiture, une traction avant, neuf chevaux.

- Allez à Dalat. C'est une station en altitude, un véritable jardin où nous avons une maison de famille. Là, vous pourrez passer vos huit jours de permission.

Le lendemain G se met au volant de la traction. Il aurait bien voulu consommer le mariage mais il n'a pas trouvé de candidate. Nous avons tout de même passé une semaine très sympathique.

 



17/11/2012
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